Les œuvres créées par Nicolas
Tourte pour « Parcours Parallèle » à l’issue d’une
résidence, ont toutes un lien étroit avec les lieux où elles sont
exposées. Elles résonnent avec leur environnement quand elles ne
portent pas directement la trace de l’intervention des habitants
comme dans Les
portraits tournés,
portraits des habitants réalisés par eux-mêmes sur des tours à
bois, avec un procédé complexe mis au point par l’artiste pour
cette exposition.
Le nœud sans fin,
œuvre réalisée en bois et reprenant un symbole bouddhiste
signifiant, entre autre, le bon augure, réconcilie en une pièce,
art, nature et culture, à l’image de ce que fut la vie de
Guillaume de Rubrouck. Sur ce nœud
sans fin sont
projetées des images d’eau en mouvement, dans un cycle
ininterrompu auquel se rajoute les incantations enregistrées d’une
chamane. L’ensemble produit un effet hypnotique et apaisant. On
retrouve cet effet dans Alvéoles,
l’oeuvre créée pour la Maison de Jeanne Devos. Dans une structure
en bois composée de 42 alvéoles se déplacent -dans chaque alvéole
et dans tous les sens- des petits éléments blancs sur un fond noir,
tels des poussières d’étoiles. Chaque vie est cloisonnée par les
contours hexagonaux sur lesquels ces micro-organismes rebondissent,
ces vies étant différentes dans chacune des alvéoles.
Si dans Nœud
sans fin et dans
Alvéoles,
notre œil est invité à suivre les mouvements soit de l’eau soit
des micro-particules c’est à une projection mentale et à notre
imagination qu’il s’agit de rebondir puisque pour la Maison de
l’Abbé Lemire Nicolas Tourte a construit un boomerang monumental :
Les promesses de
l’ombre. On
remarquera la précision et la grande attention prêtées au
traitement du bois, un matériau qu’il aime travailler pour son
côté brut, accessible, renouvelable et vivant. L’artiste avec
facétie se plaît à imaginer la machine qui pourrait l’envoyer en
l’air puisque ce boomerang est techniquement capable de voler. Là
encore il s’agit de mouvement et de déplacement en l’occurrence
ici une référence aux soldats australiens venus combattre en France
et dont les familles échangèrent avec l’Abbé Lemire.
Le mouvement c’est le temps,
l’artiste est très sensible aux cycles ; de vie, de l’eau,
de la nature. Enfant déjà il s’intéressait aux insectes, à la
gemmologie, la géologie, il voulait comprendre comment cela
fonctionnait et où était sa place. « Ce que je fabrique
m’aide à avancer dans ce chemin qui mêle sciences et matériaux
qui gardent l’empreinte du passé organique et géologique »
confia Nicolas Tourte. De fait son œuvre interroge notre façon
d’être au monde, de l’habiter, d’influer sur lui. Quelles
sont, quelles seront les traces que nous laisserons ? L’art
est une possible réponse car il permet d’entrevoir différents
mondes, chaque œuvre étant un monde en soi. Il rend actif, à
l’instar de l’Ultime
soutien réalisée
également pour la Maison de L’Abbé Lemire, une œuvre dont nous
pouvons faire le tour pour voir tous les mondes. Table lumineuse sur
laquelle se reflètent des images du ciel et d’où jaillit une
volumineuse souche d’arbre. La souche donne l’impression d’être
là depuis toujours et qu’elle pourrait y rester pour l’éternité,
n’oublions pas qu’en biologie la « souche » est la
naissance d’un monde.
Comme le point d’orgue de
l’exposition et reprenant les thèmes chers à l’artiste,
Lacrimae,
l’œuvre exposée à la Confrérie des Compagnons du vin de Flandre
a la forme d’un cercle symbole d’unité et d’universel. Sur ce
cercle sont projetées des images du ciel et à sa surface coulent
lentement, presque mélancoliquement deux gouttes. Réflexion sur
notre monde ? Interrogation métaphysique, nul ne sait, l’œuvre
s’intitule Lacrimae.
Céline Berchiche.