Coriolis infinitus, 2015

Coriolis infinitus, 2015

Coriolis infinitus, 2015

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Le travail de l’artiste Nicolas Tourte, déjà évoqué il y a quelques mois dans ce blog (Nicolas Tourte : Esquisses pour une vidéo buissonnière) offre l’opportunité de ce coup de chapeau aujourd’hui avec l’œuvre « Coriolis infinitus ». Déjà la découverte de son « Paraciel » avec la projection animée d’un ciel dans  un parapluie ouvert ne pouvait laisser indifférent et engageait à en voir davantage sur le cheminement d’un artiste pour lequel la vidéo est une composante permanente. Aujourd’hui « Coriolis infinitus » engendre le même coup de cœur.
Avec un dispositif vidéo mural, l’artiste propose ce qui s’apparente immédiatement à l’iris et la pupille d’un œil. L’iris humain, aux couleurs complexes, changeantes, renvoie à la personnalité de chaque être. Mille ans avant notre ère, les Chaldéens pratiquaient déjà la «lecture des maladies dans les yeux», au point que l’iridologie a acquis de nos jours droit de cité comme médecine non conventionnelle.

Magritte et après

Mais c’est davantage à l’univers de l’art que renvoie la pièce de Nicolas Tourte, rendant hommage, volontairement ou non, au « Faux miroir  » de René Magritte. Chez le peintre Belge, difficile de prendre au mot le titre d’un tableau. Qu’y-a-t-il de vrai dans ce faux miroir ? Ce jeu, si l’on peut dire, en trompe-l’œil, du tableau, nous met en porte à faux.  » Y est rendue visible la pensée de l’indistinction de l’œil qui voit et du vu de ce voir, le ciel bleu nuageux qui se reflète sur l’iris. Ici la visibilité du vu – le plein du ciel – n’occulte pas la visibilité du voir – le regard de l’œil – car les deux sont situés dans le même espace » écrit René-Marie Jongen.
Entre vision, regard, miroir, réalité, fiction, réflexion et réflection, le spectateur n’en finit pas de s’interroger.
Chez Nicolas Tourte l’utilisation de la vidéo et donc l’introduction du temps et du mouvement  ajoutent à la multiplicité des lectures possibles. L’iris en mouvement perpétuel, s’il semble évoquer la complexité des déplacements météorologiques, peut également être regardé comme un tourbillon marin, maelstrom sans fin dans lequel notre regard hypnotisé plonge.
Le statut de la vidéo s’enrichit de cette qualité supplémentaire : devenir le composant mobile d’un tableau fixe, comme le réussit si remarquablement Hervé Penhoat avec ses « Instants » vidéo, peinture sans pigments, née d’un jeu de pixels.
Dans le même temps, c’est le statut du tableau qui s’enrichit également. A côté des outils médias contemporain:  télévision, ordinateur, téléphone, le tableau qui a traversé les siècles devient sur les cimaises, avec cette réalité augmentée, un objet vivant de contemplation.

Claude Guibert / Juin 2015

http://imago.blog.lemonde.fr/2015/06/23/nicolas-tourte-trompe-loeil/

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